J'étais encore jeune et étudiant, plein de folie, je croyais que pour se découvrir, il fallait aller loin. Faire de l'humanitaire c'était l'accomplissement de toute une vie.
Bref, à l'époque je travaillais sur mon sujet de mémoire universitaire, portant sur l'Afrique. Je passais mes journées à lire des ouvrages, à espérer y trouver des faits intéressants et puis je fonçais chercher dans les bibliographies d'autres titres de livre qui eux-même me permettraient d'avancer dans mon mémoire.... bref de belles journées. Entre quelques lignes lues, je relevais la tête, espérant trouver un joli minois, une femme belle et intelligente, car pour accéder à notre bibliothéque, il fallait au moins un bac plus quatre. Mais rien, deux ou trois chevelus façon d'artagnan, ou deux trois cranes chauves façon Juppé.
Las, d'être assis, j'allais de temps en temps aux toilettes, où justement je trouvai un fait remarquable et des inscriptions fabuleuses. Dans ma quête d'absolu qui me menais vers une issue bouchée, je trouvais le résultat de deux âmes en peine, elles-aussi.
Au stylo bleu, on avait inscrit "boblack cherche femme pour sucer"
En dessus, quelqu'un avait répondu " J'ai testé ta mère, jtla conseille"
Le premier personnage avait du répondre quelque temps après (j'avais reconnu la même écriture).
"va te faire mettre suceur de bite"
suite à celà, un dialogue d'une vingtaine de lignes s'en suivait. Les encres des stylos changeant, l'encre plus ou moins foncée permettant de dater l'antériorité du message, me permettaient de penser que durant des mois, voire plus d'un an, les deux interlocuteurs avaient échangé des messages. Au milieu du mur, le "boblack" avait écrit "bonne année tite bite" son correspondant lui répondant "toi aussi fils de pute"
celui-ci avait inscrit "c mon anniversaire demain, jespere baizé ta mère!".....
Bref un dialogue long s'était échangé, les deux personnages s'écrivant dès qu'ils venaient. Parfois d'autres interféraient dans la conversation " la propreté c'est le vol" avait inscrit un rigolo,à l'aide d'un excrément et un autre écrivit "celui qui lit ça est un con".
Tous ces messages avaient été écrits par des universitaires, de bac plus quatre à plus. Mais revenons à nos deux amis. J'imaginais ces personnages venant lire des ouvrages, mais surtout espérant le message de son meilleur ennemi. Ou encore parfois, si le correspondant mettait du temps à répondre, j'imaginai que l'autre se demandait ce qui s'était passé, se disant "et s'il était mort ?". Je m'imaginai aussi les deux acolytes obligés de continuer leur étude, rien que pour avoir accés à ces toilettes, situées dans une bibliothéque universitaire.
Les écrivains sont des ours de société. Ils goûtent la solitude sur un théâtre." Roger Judrin
samedi 23 février 2008
correspondance cachée
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le départ du malheur
Ce dimanche je suis allé à la bibliothèque de Beaubourg. Près du "coin sandwich", se trouve une sorte de balcon où quand il fait nuit, on peut voir une magnifique vue sur le quartier encore en pleine ébullition à cette heure-ci, mais là n'était pas le problème.J'attendais pour aller au toilette, la queue était longue, il y a toujours foule aux toilettes pour aller uriner.Il y avait deux africains, trois pakistanais et moi qui attendions pour aller faire la chose. Des trois urinoirs, une seule nous était accessible, les autres étant interdites, par quelques collants, interdisant le remplissage. Elle débordait de notre liquide jaune, et sentait fort mauvais, quelques morceaux de pain flottaient au-dessus, comme des navires sans capitaine.Seule une urinoir était accessible, les toilettes étant monopolisées par un lecteur de gauche constipé. Je dis lecteur de gauche, car plus tard nous le vîmes sortir, l'Humanité sous le bras. Un monsieur comique lui dit "tiens vous avez encore ce journal, il vous a pas servi à vous torcher?"Pendant cette latence, je me souvins d'une relation épistolaire qu'avait entretenue deux individus, à la Bibilothéque nationale de France.
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